Triskéol :  » Le principal défi est l’industrialisation de la filière et le développement des technologies »

8 Juin 2022
Industrie

Triskéol : « Le principal défi est l’industrialisation de la filière et le développement des technologies »

 

Présélectionné à l’AO5 Sud Bretagne, le projet Triskéol est l’association de trois acteurs majeurs de l’éolien offshore : wpd, énergéticien européen, développeur et exploitant de parcs éoliens terrestres, maritimes et photovoltaïques dans le monde entier, Vattenfall, producteur, distributeur et fournisseur d’énergie en Europe d’origine suédoise, et BlueFloat Energy, développeur global d’éolien flottant basé en Espagne. Pierre Warlop, directeur technique chez wpd, décrypte les atouts de leur candidature et livre son regard sur les enjeux de la réussite de filière de l’éolien flottant.

 

Pouvez-vous présenter votre consortium ?

Notre consortium s’appuie sur trois partenaires aux savoir-faire complémentaires, combinant une expérience unique de l’éolien en mer.

Présent dans une trentaine de pays, et notamment en France depuis 2007, wpd est un acteur historique de la filière française et un pionnier de l’éolien en mer. À l’avant-garde du développement du secteur en Europe, nous avons notamment construit le premier parc éolien en Allemagne (Baltic 1) et œuvré activement à l’essor de la filière française à travers le développement de plusieurs projets, dont deux pour lesquels nous intervenons aujourd’hui en qualité de coréalisateur (Fécamp et Calvados). Engagé sur de nombreux marchés, nous accompagnons également l’ambition de l’industrie européenne à l’export, avec la réalisation d’un premier chantier en Asie (Yunlin). Nous avons initié nos activités dans le domaine de l’éolien flottant dès 2009, et poursuivons aujourd’hui le développement de plusieurs projets à grande échelle, au large de l’Asie, de l’Europe et des États-Unis.

Apportant une attention particulière à la complémentarité des compétences et au partage de nos valeurs, nous nous sommes associés pour cet appel d’offres à Vattenfall, partenaire de wpd depuis 2004, et considéré comme l’un des leaders mondiaux de l’éolien en mer. Détenu à 100% par l’État suédois et connu en France pour son rôle de fournisseur d’électricité et de gaz aux entreprises et aux particuliers depuis plus de 20 ans, l’ambition de Vattenfall est de développer sa capacité de production et déployer son expertise de l’éolien en mer. Avec 12 parcs en exploitation et plus de 5 GW en développement, il est l’un des plus grands opérateurs et aussi le premier à avoir entièrement démonté un parc en mer, ce qui lui assure une connaissance complète du cycle de vie des installations.

Le troisième acteur, BlueFloat Energy est une jeune entreprise qui possède néanmoins une grande expertise dans l’éolien flottant. 60 % des projets réalisés à date, ont été suivis par ses experts. Ils sont actifs dans le monde entier exclusivement sur l’éolien flottant, en France, Espagne, Italie, Royaume Uni, Australie, Colombie, Taïwan et Nouvelle-Zélande.

 

Quelle est votre force par rapport aux autres candidats présélectionnés ?

Notre force se résume en trois points : notre ancrage local, notre vision globale et notre capacité à innover. L’ancrage local, nous le devons à notre histoire dans l’éolien en mer en France, avec des projets déjà en construction et des collaborations avec des entreprises ligériennes ou bretonnes. Nous sommes partenaires de Neopolia depuis bientôt quinze ans !

La vision globale, nous la devons à la perspective donnée par notre portefeuille de projets : 15 parcs en exploitation, 5 en cours de construction dont 2 en Normandie avec Fécamp et Calvados, plus de 22 GW en développement, dont la moitié environ concerne des parcs éoliens flottants, sans compter les 3,5 GW que Vattenfall et BlueFloat Energy viennent de remporter en Écosse (Scotwind).

Quant à notre capacité à innover, nous en faisons la démonstration dans nos projets  et à travers un certain nombre d’initiatives que nous portons, concernant notamment le développement de procédés de production d’hydrogène en mer (pilote Hydrogen Turbine 1 sur EOWDC) ou d’un navire de transfert de personnels à propulsion alternative.

 

Quel est selon vous le principal défi pour la construction du premier parc commercial flottant ?

Le principal défi est celui de l’industrialisation, combinée à une vision prospective mais réaliste des technologies, dans un contexte de développement global du marché en Europe. Ce projet devant être réalisé à la fin de cette décennie, il convient d’anticiper les capacités de fabrication et les solutions futures, en s’appuyant sur l’expérience acquise de l’éolien en mer et des premiers démonstrateurs, afin d’améliorer la conception des turbines, fondations, ancrages, etc. ou encore des méthodes d’installation, grâce à de nouveaux moyens logistiques. Il est également essentiel de réfléchir au changement d’échelle : les éoliennes, plus grandes, nécessiteront des flotteurs adaptés et le développement d’infrastructures portuaires pouvant accueillir les activités d’assemblage et de fabrication, particulièrement gourmandes en foncier.

 

Quels sont les points forts et les points faibles de la filière française de l’éolien en mer ?

Grâce aux fermes pilotes et notamment au site d’essais Sem-Rev, ainsi qu’au tissu académique et de recherche existant, nous possédons aujourd’hui une bonne expertise de l’éolien en mer flottant. C’est une véritable force, sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour tester et valider les innovations, afin de valoriser le savoir-faire français sur la scène internationale.

Le développement des projets donne lieu à une participation importante des laboratoires de recherche, acteurs académiques et bureaux d’étude et d’ingénierie français, dont les compétences sont reconnues à l’international.

Sur le plan industriel, on peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir en France le tiers des capacités de fabrication d’éoliennes en Europe.

La fabrication des éoliennes ne représente toutefois que 35 à 45 % du montant d’investissement global d’un projet. Ainsi la fabrication des fondations, le pré-assemblage des éoliennes et l’installation en mer, la station électrique et le câblage en mer, ainsi que le raccordement sont autant d’opportunités pour les entreprises françaises.

 

S’agissant des points faibles, on dispose de très peu de moyens maritimes spéciaux, à l’instar des navires auto-élévateurs pour l’éolien en mer posé.

Néanmoins, dans le cas de l’éolien flottant, la flexibilité de la méthode d’installation permettra le recours à des flottes plus conventionnelles dont la construction et l’opération pourrait être réalisée par des acteurs nationaux.

Manquent également des capacités de production en série de fondations métalliques, même s’il existe sur le territoire des outils industriels qui ont les capacités à servir le marché naissant de l’éolien en mer flottant.

 

Quelle est votre stratégie pour les retombées économiques locales du projet ?

Notre stratégie est constante, c’est ce qu’on a démontré ces dix dernières années. Concrètement elle consiste à impliquer, informer les entreprises en amont sur les besoins. Grâce à l’expérience que nous avons pu accumuler dans le consortium, nous savons identifier les briques de la chaîne de valeur qui sont à la fois à forte valeur ajoutée et peuvent être facilement localisées en France. Nous connaissons maintenant les entreprises françaises qualifiées, le réseau de sous-traitance, nous savons le promouvoir auprès des fournisseurs de rang 1. Cela a été le cas sur plusieurs projets. Prenez l’exemple du navire Seafox construit par Navalu : il a été affrété sur l’un de nos parcs en Allemagne, ce qui a permis de démontrer ses performances et d’ouvrir son champ d’exploitation à d’autres parcs en mer du Nord.

Notre stratégie est donc d’accompagner les entreprises vers des prises de commandes, de promouvoir leurs savoir-faire auprès de nos partenaires en s’appuyant sur notre portefeuille de projets, en France et à l’export.

Le troisième axe, c’est le développement des compétences. Selon les besoins et la temporalité des projets, de nouveaux métiers spécifiques voient le jour. Dans l’éolien flottant, il existe une grande diversité de technologies. C’est dans ce sens que nous avons lancé il y a deux ans l’AMI « Challenge innovation : éolien en mer » avec le Pôle Mer, Weamec, France Énergie Marine et Bretagne Ocean Power. Notre volonté est de donner à voir aux entreprises mais aussi au monde académique, les problématiques actuelles et futures, afin qu’ils puissent y réfléchir et qu’émergent des solutions françaises à forte valeur ajoutée, à court et moyen terme.

 

Quelles sont vos attentes à l’égard des acteurs des Pays de la Loire ?

Les attentes sont notamment définies dans la charte d’engagement du contenu local (1) qui est au fond un premier niveau de compréhension mutuel des objectifs. Pour la réussite de la filière, il est indispensable que les territoires parviennent à mobiliser leurs entreprises sur les sujets pertinents et que l’on sache collaborer entre régions, territoires, pour aller chercher les compétences là où elles sont présentes. Il faut également parvenir à une vision consolidée du tissu industriel et de l’offre à l’échelle du territoire Grand Ouest. C’est clairement le sens des projets qui sont aujourd’hui en cours de développement ou de construction. Nous travaillions à l’échelle de la France, de la façade Grand Ouest. Tous ces clusters travaillent en réseau, en coordination étroite avec les pouvoirs publics. À nous de faire en sorte que cette coopération se passe au mieux, en assurant un accompagnement efficace des acteurs, associé à une approche intelligente de la sous-traitance, pour la création de retombées économiques et le développement d’une filière compétitive. Sans cela, le soutien et l’acceptation de ces projets s’effriteront.

Aujourd’hui nous poursuivons l’effort engagé de longue date avec les clusters dans le cadre des chantiers et projets en cours,

 

Quid de votre collaboration avec Solutions&co ?

Le dispositif Résolution dont nous avons bénéficié et qui est aujourd’hui arrivé à terme, a permis à nos équipes de travailler de manière plus efficace sur les problématiques d’optimisation logistique. Nous sommes en contact permanent avec Solutions&co, notamment sur la question de la planification et de la projection de la filière dans son ensemble. Le Gouvernement ayant fixé le cap, avec un objectif de 40 GW à l’horizon 2050, l’enjeu est désormais de travailler sur la méthode afin de déployer la filière intelligemment, à moyen – long terme. Ce projet AO5 n’est pas isolé, il s’inscrit dans une logique globale de planification énergétique et spatiale, et doit s’accompagner d’une stratégie d’investissement pour l’industrialisation de la filière, notamment au regard des infrastructures portuaires, au niveau national, et plus particulièrement sur la façade Atlantique. Cette coopération doit se poursuivre et faire en sorte que les territoires aient suffisamment de visibilité et disposent des informations au bon moment afin de prendre les décisions de façon éclairée.

 

Pour en savoir plus sur la charte d’engagement du contenu local, découvrir la vidéo

 

Propos recueillis par Séverine Le Bourhis.